La Thérapie Familiale

La thérapie familiale aide à comprendre les dynamiques relationnelles, à surmonter les conflits et à restaurer l’équilibre au sein de la famille.

Florence Ronco

Neuropsychologue à Paris 5

Comment se déroule une thérapie familiale ?

Chaque famille développe des schémas de fonctionnement

Dans la société de manière générale, la famille nait d’une rencontre entre deux adultes, jeunes et indépendants, qui se séparent de leur famille d’origine, se fréquentent et décident d’habiter ensemble, voire de se marier, pour fonder une famille.

La naissance du premier enfant est une période difficile, où une troisième personne va venir bouleverser la dynamique quotidienne. Le bébé, fragile, demande l’attention et la surveillance constante des parents. Quand les enfants grandissent, la famille va s’ouvrir davantage sur l’extérieur à travers la crèche, la maternelle, l’école primaire. C’est la première épreuve du feu à laquelle l’enfant est exposée : se confronter aux exigences du monde extérieur. Avec l’adolescence, les disputes avec les parents deviennent plus fréquentes, le motif majeur étant la revendication d’une plus grande liberté de la part de l’adolescent.

Dans l’ultime étape du cycle vital familial, les adolescents deviennent adultes et recherchent un compagnon ou une compagne. Les parents reviennent à l’étape initiale du cycle, où ils se retrouvent seuls et vieillissants.

Chaque phase va entrainer des changements et nécessiter l’adaptation de chacun.

Chaque famille développe des schémas de fonctionnement. La dynamique familiale a souvent un cadre plus ou moins stable et se fonde sur des croyances durables que chacun nourrit vis à vis des autres membres de la famille. Ces croyances sont influencées par les schémas familiaux que les patents ont connu au sein de leur famille d’origine mais aussi par les croyances générales que nous entretenons au sujet de ce qu’est la famille.

En thérapie familiale, je vais donc particulièrement mettre l’accent sur les différentes formes de cognitions qui peuvent être à l’origine des conflits existants :

Les attributions

Des évidences cliniques démontrent que nous avons tendance à tirer des conclusions spontanées sur les causes des évènements qui jalonnent notre vie. Dans les relations familiales, les conduites agressives sont souvent le fait d’attributions erronées. Le mari qui agresse son épouse la rend responsable de l’avoir provoqué jusqu’à un point de non retour. Le père qui agresse ses enfants peut penser que ces derniers se comportent mal dans l’unique but de le provoquer. L’acte d’agression leur apparaît justifié. Les attributions négatives peuvent aussi concerner des traits de personnalité : « mon père n’écoute pas ce que j’ai à dire parce qu’il est égoïste et que je lui importe peu. »

Les perceptions sélectives

Dans les relations familiales, les expériences de vie de chacun vont les sensibiliser à certains évènements ou certains comportements. Par exemple, une personne qui dans sa vie professionnelle est responsable d’une large équipe et qui prend des décisions de manière quotidienne, va avoir une forte tendance à répéter ce comportement au sein de la cellule familiale. La thérapie va aider cette personne à ne plus se percevoir dans une position permanente de « chef » mais comme père, comme fils, comme mari. La thérapie lui montrera qu’il ne doit pas nécessairement être le centre des décisions au sein de la famille et que la vie ne se résume pas à une simple prise de décision.

Les suppositions

Les suppositions sont une forme de schéma que chacun possède sur les caractéristiques des autres membres. Quand ces suppositions sont démenties, l’équilibre de la famille peut être fortement perturbée. Prenons l’exemple de parents pour qui l’honnêteté est une valeur centrale. S’ils pensent avoir transmis cette valeur à leur enfant, ils vont supposer que leur enfant est toujours digne de confiance. Imaginons que l’enfant leur mente et que ces derniers s’en rendent compte. La violation de leur confiance va être très gravement perturbée et ils peuvent réagir un imposant un contrôle très strict sur la vie sociale de l’enfant. Cette réponse excessive va, à son tour, mettre à mal les suppositions que nourrissait l’enfant vis à vis de ses parents : « mes parents sont flexibles et compréhensifs. » Plus les parents seront rigides, plus une importante tension va naitre. L’enfant peut développer de nouvelles suppositions : « je ne suis pas digne d’être aimé à moins de satisfaire tous les souhaits de mes parents. » Les parents peuvent revoir leurs principes d’éducation : « Nous avons besoin de montrer plus de fermeté et ne permettre aucune exception si nous voulons élever notre enfant de manière correcte. » Cette remise en cause va donner naissance à des conflits familiaux.

Les expectatives

Des expectatives inadéquates (c’est à dire des prévisions sur le comportement des autres) peuvent bloquer la résolution de conflits intra-familiaux. L’un des membres de la famille, en anticipant à tort, une réponse aversive ou négative d’un autre membre de la famille, va ressentir un niveau d’anxiété élevé, et, sans doute se trouver incapable de s’exprimer. Un exemple très classique, un peu caricatural, est celui d’un père, qui exprime sa confiance sur les capacités de son fils à réussir ses études. Ce dernier se sentira probablement plus confiant et optimiste. Si le père tient des propos comme « tu vas échouer », « tu n’en es pas capable », cette pensée défaitiste va s’insinuer chez l’enfant. Au mieux ce dernier voudra prouver le contraire à son père et réussira mais dans la majorité des cas, ce type d’attitude peut conduire à l’échec.

Les normes

Les normes se réfèrent aux croyances individuelles concernant « ce qui devrait être », « ce qui est approprié de faire ». Chacun va ainsi comparer le comportement de l’autre avec la norme qu’il a construite. Les relations intra familiales, la division des tâches au sein de la famille, le mode de résolution des conflits, les limites et la privacité, les liens avec l’extérieur : tous ces sujets font généralement l’objet de normes au sein des familles, souvent sous-entendues, parfois non partagées. Il convient de les mettre à jour pour qu’elles soient adaptées et acceptées.

Mon but est de susciter un changement à travers une restructuration des croyances centrales de la famille pour conduire à l’émergence de comportements nouveaux. Ces croyances sont associées à des émotions intenses qu’il convient d’interroger pour mieux les comprendre. Prenons le cas d’un adolescent, en colère contre ses parents parce que ces derniers ont refusé qu’il aille à une soirée. Derrière cette colère peut se cacher un sentiment de vulnérabilité et la peur d’être rejeté par ses pairs s’il ne se rend pas à la fête.

La restructuration de ces croyances centrale nécessite donc un travail sur :

  • La communication : il est important qu’un travail se fasse sur la clarté de la communication qui peut être perturbée par des erreurs d’interprétation ou le ton de la voix (ironique, sarcastique, menaçant…). Je constate parfois aussi une absence de communication qu’il convient alors de réactiver entre les membres de la famille.
  • La résolution de problèmes : la famille doit fonctionner comme une équipe. Elle doit identifier le problème, proposer des solutions, accepter une ligne d’action commune, juger ensemble des résultats.
  • Les échanges : chacun tend à donner à l’autre ce qu’il reçoit. La froideur d’un parent vis à vis de son enfant conduira certainement l’enfant à exprimer la même froideur vis à vis du parent. La thérapie doit défaire ce cycle.